L’endométriose, on en parle de plus en plus et c’est une très bonne chose ! Pour autant, on parle peu de QUI a découvert l’endométriose. Et surtout QUAND ? On a le sentiment que c’est une maladie nouvelle, mais est-ce vraiment le cas ?
🧐Et si tu partais à la découverte de l’histoire de l’endométriose ?
Egypte, Antiquité et Moyen-Âge : symptômes, infertilité, hystérie
L’endométriose existait déjà à l’époque des Egyptiens il y a 4000 ans. Le papyrus Ebers (en 1550 avant JC) considéré comme l’un des plus anciens textes médicaux évoque des “troubles douloureux des menstruations”.
Il y a 500 ans, durant l’Antiquité, des symptômes similaires à l’endométriose sont également décrits, notamment dans le corpus hippocratique, Platon et d’autres auteurs gréco-romains. On y parle de violentes contractions utérines, d’inflammation, d’état syncopal ou convulsif. On reconnait un dysfonctionnement menstruel qui entraîne des douleurs utérines, voire une infertilité, et on identifie la grossesse comme un remède.
À l’époque, on parle d’hystérie, en référence au mot grec hustera, “la matrice”, qui veut dire l’”utérus”. Malheureusement, ces douleurs utérines sont souvent associées à un utérus « vagabond » privé de sa fonction reproductive à l’Antiquité, ou aux péchés et possession démoniaque au Moyen Âge. Donc trahissant plus un comportement déviant qu’une réelle pathologie… Ces croyances vont évidemment freiner la prise en compte de l’endométriose au fil de l’histoire. En guise de traitement, les femmes se voient alors attachées la tête en bas à une échelle et secouées pour “remettre leur utérus en place”, et plus tard, exorcisées, exilées ou carrément exécutées.
17s et 18e siècles : lésions, douleurs et inflammations
En 1690, le médecin allemand Daniel Shroen décrit « des ulcères qui ont tendance à former des lésions ». Ces lésions qu’il considérait comme « troubles féminins caractéristiques de celles qui sont en pleine maturation sexuelle » non seulement s’étendaient en taille, mais étaient aussi susceptibles de provoquer des hémorragies.
En 1776, le médecin écossais Louis Brotherson évoque la douleur ressentie par les femmes à cause de cette maladie qui les affecte de manière négative et les contraint à vivre dans la crainte de leurs symptômes.
Au 18e siècle, le médecin écossais William Broughton et le médecin anglais Robert Tailford décrivent, avec l’essor de l’examen post-mortem des lésions endométriales, des structures qui prolifèrent et ressemblent à des polypes. D’autres médecins observent également un modèle de propagation de l’inflammation autour du vagin.
À cette époque, “l’hystérie” est alors parfois diagnostiquée comme une nymphomanie. C’est la “folie utérine” ou furor uterinus. Marie-Antoinette et Pauline Bonaparte en ont fait les frais en leur temps parce qu’elles présentent alors troubles gynécologiques et douleurs pelviennes.
19e siècle : 1ère description de l’endométriose
En 1860, Karel Rokitansky est le premier à décrire l’endométriose, comme la « présence de muqueuse utérine en dehors de l’utérus ». Il découvre à l’occasion d’une autopsie une grosseur utérine anormale. En examinant ce polype au microscope, il découvre qu’il est constitué par des cellules similaires à celles de l’endomètre.
Pour autant, ce n’est pas lui qui lui donne son nom d’endométriose puisqu’il l’appelle alors cystosarcoma. En revanche, Rokitansky est aussi le premier à décrire une forme d’adénomyose.
En 1899, Russel WW décrit l’endométriome ovarien comme un ‘ »ovaire contenant une muqueuse utérine », un « hématomes de l’ovaire » ou un « kyste chocolat ».
Les techniques utilisées à la fin du XIXe siècle pour traiter l’endométriose comprenaient, entre autres, les interventions non chirurgicales, l’électrocautérisation, la dilatation et le curetage, les excisions partielles, l’ovariectomie et l’hystérectomie.
L’”hystérie” reste bien présente à cette époque avec Syndenham et Charcot, deux spécialistes du sujet qui défendent l’hypothèse psychologique.
Début du 20e siècle : un nom, une théorie, des avancées technologiques
En 1920, le chirurgien canadien Thomas Stephen Cullen décrit l’endométriose sous le nom d' »adénomyome » et précise la maladie : type de pathologie, diagnostic et traitement de l’endométriose profonde. Il établit que l’endométriose ovarienne et profonde constituaient une seule et même maladie caractérisée par la présence de « tissu adénomyomateux » en dehors de la cavité utérine. Les découvertes pionnières de Cullen comprennent la première description des lésions rénales dues à l’endométriose et la reconnaissance du fait que l’hystérectomie ne guérit pas nécessairement la maladie.
En 1922, le Dr John Sampson observe que les lésion sont hémorragiques au moment des menstruation et expose sa théorie du “reflux de sang menstruel », qui s’échappe par les trompes de Fallope et s’infiltre dans l’abdomen. C’est encore souvent la théorie la plus retenue dans l’explication de l’apparition de la maladie, bien que de multiples causes sont aujourd’hui évoquées ou font l’objet de recherches. En effet, 10% des femmes développent la maladie alors que 90% des femmes ont des règles rétrogrades, c’est-à-dire qui s’écoulent également vers l’intérieur du ventre.
En 1927, l’article de Sampson intitulé « Peritoneal endometriosis due to menstrual dissemination of endometrial tissue into the peritoneal cavity » est le premier à utiliser officiellement le terme « endométriose ».
Dans les années 1930 et 1940, on décrit l’endométriose dans les poumons, les intestins, le côlon, le rectum, la vessie, les ganglions lymphatiques, le col de l’utérus et d’autres endroits. Notamment grâce à de nouvelles techniques d’endoscopie pelvienne qui permettent une révolution dans la prise en charge de l’endométriose en différenciant les causes de saignement intra-abdominal et d’appendicite par exemple. C’est aussi en 1940 que débute le traitement hormonal avec successivement des androgènes, œstrogènes, œstroprogestatifs, agents antigonadotropes et antiprogestatifs.
En parallèle, les médecins incitent les femmes à avoir des enfants plus tôt pour contrer l’impact potentiel de l’endométriose sur la fertilité. D’ailleurs, l’endométriose a souvent été diagnostiquée à tort comme une maladie inflammatoire sexuellement transmissible ! Enfin, les clichés ont la vie dure et les douleurs pelviennes sont encore liées à la maladie mentale.
Fin du XXe et XXIe siècle : chirurgie, génétique et politique
Entre les années 50 et la fin des années 70, les techniques chirurgicales connaissent de grandes avancées. La laparoscopie (ou cœlioscopie qui permet par une petite ouverture de la paroi de l’abdomen d’observer et d’intervenir sur les organes) fait timidement son entrée en complément des chirurgies abdominales ouvertes (laparotomies) et hystérectomies qui sont encore largement pratiquées.
Dans les années 80 et 90, les progrès dans la connaissance et le traitement de l’endométriose se poursuivent : laparoscopie à orifice unique, biomarqueur potentiel de l’endométriose, endométriose infiltrante profonde (DIE), dysfonctionnement immunitaire dans l’endométriose, etc.
Dans les années 2000, la génétique entre en jeu. En 2004, le Dr Linda C. Giudice contribue à la compréhension génétique et moléculaire de l’endométriose et en 2012, le Dr Hugh S. Taylor et ses collègues découvrent une mutation du gène KRAS en association avec l’endométriose.
Ces dernières années, on constate des avancées plus “politiques” avec en septembre 2020 l’enseignement de l’endométriose dans les cours de second cycle des études de médecine. L’année 2022 marque le lancement d’un plan national et la reconnaissance de l’endométriose comme Affection Longue Durée (ALD). L’endométriose entre alors pleinement dans notre histoire et dans notre société.
L’histoire de l’endométriose est plus que jamais d’actualité alors qu’elle remonte à plus de 4000 ans ! 190 millions de personnes sont atteintes d’endométriose dans le monde, dont 2 millions en France, et pourtant cette maladie semble seulement émerger depuis une dizaine d’années. Elle a sans doute souffert d’être une maladie “de femmes”, certainement moins considérée par les hommes savants au fil des âges. Qu’on se le dise ! Loin des délires hystériques et autres “chochotteries”, l’endométriose est une réelle pathologie qui mérite toute l’attention de la médecine.
Comment savoir si j’ai une endométriose ?